Le ton est nouveau et le discours « carré ». « J'espère que ce coup de semonce permettra de faire avancer les choses», commente Pierre Calfas, directeur du service navigation Rhône Saône, directeur interrégional VNF (voies navigables, de France) Rhône Saône. Lors d'une réunion organisée à la Maison du Rhône, à Givors, il a, virtuellement, tapé du poing sur la table. « J'ai dit que lorsque l'État serait devenu propriétaire du toueur, sa destruction serait demandée pour des raisons de sécurité. Je ne veux pas prendre le risque qu'un gamin s'empale sur un morceau de tôle déchiquetée •. Résumé des épisodes précédents. Le toueur Ardèche, dernier de la lignée, est échoué depuis 20 ans dans le port de l'Épervière à Valence. Propriété de l'association des amis de 1a batellerie, qui n'a su le remettre à flot, il s'enfonce lentement dans les eaux boueuses du Rhône. Son sort ne laisse pas indifférent. A plusieurs reprises, des « sauveurs » potentiels se sont réunis afin d'essayer de se mettre d'accord sur une procédure visant à le remettre à flot et, surtout, sur son financement. Parmi, eux, la ville de Valence, la Région, la CNR (compagnie nationale du Rhône), 1a CCI (chambre de commerce et d'industrie, gestionnaire du port) et VNF.

Le toueur, qui occupe le domaine fluvial « sans titre et sans autorisation particulière», a fait l'objet d'une procédure juridique lancée par « Voies navigables de France », établissement public chargé de veiller au respect de la loi sur le fleuve. Procédure visant à obtenir son déplacement. « Toutes les possibilités de recours ayant été épuisées», le propriétaire du bateau doit l'évacuer. Tant qu'il n'obtempère pas, il est soumis à une astreinte, mise en recouvrement au début de l'été..
« L'association, si elle ne peut pas payer, ce qui est a priori le cas, sera probablement mise en liquidation', Conséquence logique : l'épave deviendrait alors sans propriétaire connu et reviendrait à l'État», indique Pierre Calfas. Qui, précise-t-i1, déciderait alors de mettre un terme à sa lente agonie. « Cela laisse: plusieurs mois pour trouver une solution. Beaucoup de bonnes âmes veulent le sauver. Mais quand il s'agit de mettre la main à la poche, c'est plutôt courage fuyons. J'espère que mon intervention permettra au bon sens de prévaloir et contribuera à .faire avancer les choses »
En février dernier, les partenaires étaient tombés d'accord . sur le principe d'un état des lieux, permettant de savoir dans quel état est le toueur... afin de, pouvoir décider de son avenir en toute connaissance de cause. « Ils sont toujours intéressés. Lors de notre dernière réunion, nous n'avons enregistré aucune défection parmi les parties prenantes » , souligne Jacki Vieux, directeur de la Maison du Rhône. « Nous sommes en train de réfléchir à une solution technique, afin de mieux pouvoir apprécier le deuxième round consistant à élaborer un scénario dictée par l'état du bateau
La consultation pour obtenir un devis a été relancée. « Nous avons confirmé que nous participerions au cofinancement de cet état des lieux.
S'il est renfloué le flou entoure son avenir
Point final. En ce qui concerne VNF, nous en resterons là quelque soit le résultat de l'étude», affirme Pierre Calfas.
D'où l'inquiétude de Dominique Estève et René Gau, de l'association "La Rhodanienne" qui, « en quelque sorte, représente les citoyens qui ont envie de sauver le toueur ». Les deux hommes ont alerté le député Patrick Labaune, afin que ce dernier saisisse les ministères concernés. Car il ne suffit pas de savoir dans quel état est le vieux bateau. Encore faut-il lui prévoir un avenir. Et là... « On a aucune idée de ce que l'on veut en faire. Les uns évoquent un Disneyland qu'on visiterait, les autres envisagent de le poser au milieu d'un massif de fleurs. On ne sait pas non plus combien sa réhabilitation pourrait coûter. Les estimations qui m'ont été données vont de 1 à 10 ! » , relève le directeur interrégional de VNE
« Peut-être faudrait-il réunir les partenaires en association. Ainsi, ils se sentiraient davantage impliqués», suggèrent Dominique Estêve et René Gau. « Et l'on pourrait affecter à la rénovation du, toueur le 1 % culturel des travaux de restructuration des boulevards de Valence »
Pour, Jacki Vieux, « il faut faire preuve de patience. D'ici à la fin de l'année, on devrait. y voir un peu plus clair. On en saura plus notamment sur les intentions de la région Rhône-Alpes qui mène une réflexion sur le traitement du dossier Rhône ».

Isabelle Fay
Article paru dans le Dauphiné Libéré du 5 novembre 200
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Le dernier d'une grande lignée

Le toueur "Ardèche", en rade depuis 24 ans dans le port de plaisance de l'Épervière, à Valence, a été construit en 1896. A l'origine, il pesait 325 tonnes. Contrairement aux autres toueurs, tous partis à la casse, il a échappé aux ferrailleurs grâce à Pierre Bonnet, aujourd'hui décédé, alors maire de la Coucourde-Derbières, qui l'a racheté dans les années 70.

Un toueur, nous dit le "Petit Robert", c'est "un remorqueur qui avance par touage, système de traction sur une chaîne immergée, et tire des péniches". .

Un dispositif mis en place pour pallier la pente du Rhône entre le confluent de l'Isère dans la Drôme et Pont-Saint-Esprit dans le Gard. Au temps de la vapeur, il y avait neuf toueurs sur le Rhône.
Pour en savoir plus: "La Mémoire du Rhône", de Guy Dürrematt (édition La Mirandole).

Photos et achives

André DEVAL ---------Fabrice HEBRARD

LE TOUEUR EN SURSIS
Le toueur s'enfonce dans le Rhône